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Marcel Déramé - juin 2003 (74 ans) "la famille Guibert est conduite à la prison Lafayette de Nantes"
Le 4 juillet 1943, jour de fête dieu, après être allés à la première messe, nous étions dans la cour du château de Besson, avec mon cousin Fernand DUGAST et ma cousine Maria BRISSON. Soudain on a entendu un vacarme, des sifflements venant de partout...C'était l'avion qui explosait! Mais on ne l'avait pas vu venir, à cause de grands arbres. Tous les trois, nous avons eu la chance, ce jour là, de ne rien recevoir sur la tête, ou sur nos maisons. En effet, la queue de l'avion, et une partie du fuselage s'étaient écrasés dans un champ de vignes, à 30 m environ de la route départementale. Le gros de la carlingue s'etait écrasé sur un gros chêne (situé à environ 100m des habitations) qui fut complètement calciné. Des morceaux de tôle, un bout d'aile étaient tombés tout autour de nous. Je me souviens précisément d'une marmite, devant la porte de la maison, écrasée elle aussi. Deux moteurs étaient tombés plus loin, de l'autre côté de la route de Besson, et mirent le feu dans les champs de blé.
Mon père qui était au bord le la rivière nous a demandé à Fernand et moi, de prendre nos vélos pour aller faire sonner le tocsin... De retour du bourg, les Allemands qui étaient déjà à Besson, ne voulaient pas nous laisser retourner au village. René BOUANCHEAU, (qui avait été prisonnier en Allemage pendant la guerre 14-18) nous aida en intervenant auprès des Allemands. Les pompiers sont venus, ainsi que ceux de Nantes appelés en renfort, parce que l'incendie était trop étendu. Les gens de Besson et la plupart des voisins se sont occupés du feu, tandis que d'autres venaient récupérer des pièces de l'avion, avant que les allemands s'installent le soir même. Dès le lendemain, tout le secteur était bouclé par les Allemands qui sont restés au village environ trois semaines. Impossible de récupérer quoi que ce soit de l'avion, en souvenir de cet évènement. Après leur départ de Besson, les Allemands avaient tout récupéré jusqu'au plus petit bout de tôle de l'avion.
Après la fin de la guerre, nous trouverons en quantité des balles 12-7 dans les alentours. En 1976, année de grande sécheresse, j'ai fait nettoyer l'étang de Besson avec une pelle mécanique. Nous étions en attente de trouver une mitrailleuse. Tout à coup, après avoir sorti des balles sans compter, nous avons trouvé, en fait 2 mitrailleuses jumelées. Elles ont été gardées précieusement dans un local, jusqu'au jour où un collectionneur de Touvois, est venu me solliciter pour les restaurer. Comme je tenais à ce souvenir du 4 juillet 1943, je lui ai donné mon accord, à condition de m'en ramener une. Hélas, je ne les ai jamais revues jusqu'à aujourd'hui...
Le drame de la Gentiserie : Un certain monsieur Camus, qui venait au ravitaillement dans notre secteur, comme beaucoup pendant la guerre, se trouvait dans un café de la région nantaise, la semaine après la chute du B17. Ce monsieur CAMUS raconta qu'il avait entendu parler d'un parachutiste caché chez un nommé Guibert.(1) Malheureusement, une espionne présente dans ce café a tout entendu et a fait arrêter cet homme. Après des menaces, des coups, CAMUS a indiqué le nom du village de la Gentiserie où habitait une famille Guibert. C'est la raison pour laquelle les Allemands sont venus chez les Guibert de la Gentiserie, persuadés d'y trouver un américain. A la ferme, il y avait le père Guibert, sa femme très malade, sa fille et une employée. Un de leur fils était mort au début de la guerre 1939, un autre prisonnier en Allemagne et un dernier camouflé quelque part, étant de la classe 40. Les allemands ont tout fouillé au peigne fin. Même mon père a été interrogé à la Kommandantur! Les Allemands ont trouvé un mouchoir et du linge avec du sang. C'était du sang d'un cochon tué peu avant. Cependant, persuadés qu'un américain était caché par là, les Allemands ont décidé d'emmener le père Guibert, sa fille et l'employée, à la prison Lafayette à Nantes.(2) Laissant seule la mère Guibert mourante. Solidaires, les voisins se sont organisés pour d'abord s'occuper de cette pauvre madame Guibert. Maman se rendait à son chevet tous les jours, pour lui faire une piqûre. Avec ma tante (mère de Maria) elles allaient traire les vaches, 3 jois par jour à l'époque. Au bout de trois semaines, la famille Guibert a été libérée de la prison de Nantes. La mère Guibert mourra peu de temps après leur retour. Plus tard, on apprendra que l'américain était, en réalité, caché dans une autre famille "Guibert", mais au lieu dit "Villeda", sur la commune de St-Philbert-de-Grd-lieu.
(1) En réalité, un parachiste était bien caché chez un nommé Guibert. Mais il s'agissait de Guibert de Villeda à St-Philbert de Grd Lieu, et non celui de la Gentiserie à St-Colomban. Nous savons maintenant que ce parachutiste était le pilote Bill Wetzel
(2) Lire l'extrait du registre des délibérations du Conseil Municipal du 12/09/1943
Maria Brisson - juin 2003 (76 ans) "trois cadavres"
Un enterrement d'un membre de notre famille a eu lieu le lendemain du crash, c'est à dire le lundi après-midi.(à cette époque le corbillard était tiré par un cheval) J'étais restée seule au village, avec ma tante Gabrielle DERAME, sans compter une bonne dizaine d'Allemands à Besson. Les Allemands entreprirent d'atteler un tombereau pour aller chercher les cadavres. Mais n'arrivant pas à lier les boeufs (un boeuf venait de se détacher, les courroies pas assez serrées sans doute!) les Allemands obligèrent tante Gabrielle à le faire, même si cette dernière protestait qu'elle n'y arriverait pas. Ne voulant rien entendre, les Allemands avec leur accent, et en secouant ma tante par les épaules, répétèrent "vous, Madame, attachez boeufs". Toute tremblante, il a bien fallu qu'elle y arrive. Il y avait 3 cadavres dont un recouvert par une couverture. Deux américains et un allemand, reconnaissable par ses bottes. Des amis nous rapporteront avoir vu un aviateur américain sortir de la queue de l'avion, et un soldat allemand qui se promenait à vélo. Cet Allemand, en voulant faire prisonnier l'Américain, se serait fait abattre. Mais ce dernier aurait été aussitôt repris par les allemands qui arrivaient en force sur place.
Avant le crash de l'avion, les fermiers de Besson n'accédaient pas au village par la route actuelle. Cette route fermée par un barreau, était réservée au propriétaire, sauf pour les jours de grande cérémonie comme un baptême, un mariage ou une sépulture. Les fermiers passaient par un chemin parallèle défoncé. Pendant qu'ils occupaient le site de Besson, les Allemands ont défoncé le barreau et la clôture autour, afin de pouvoir sortir les morceaux de l'avion ennemi (ils n'ont rien laissé) avec leurs véhicules encombrants. Depuis ce jour, les gens du village ont eu accès à Besson par la route actuelle...
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