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8. En Bus
Nos guides se renseignèrent sur les horaires de bus et achetèrent des tickets. Nous mangeâmes dans un petit café et flânâmes dans un jardin public avant l'arrivée du bus.
Un fonctionnaire inspecta nos papiers d'identité après notre montée dans le bus. Nous nous tenions debout dans le bus bondé jusqu'à ce qu'un nombre de passagers fussent descendus plusieurs heures après. Le bus était vieux et poussif sur la route. De plus, il semblait s'arrêter à chaque village et croisement.
En soirée, plusieurs conversations s'ensuivirent entre nos guides et le chauffeur de bus. Je pus ressentir que nos guides devenaient inquiets.
Vers 9H00 le bus s'arrêta dans un village et le chauffeur entra dans un bâtiment éclairé. Quand il y pénétra, nos guides chuchotèrent et nous firent signe de descendre et de les suivre rapidement.
Nous sautâmes du bus, saisissant nos ballots en sortant. Comme des cerfs apeurés, nous franchîmes un mur de pierres et nous nous enfuîmes en descendant une colline, traversant un ruisseau et montant une autre colline. J'appris plus tard qu'au cours de cette soirée, nous entrions en zone frontalière où des documents spécifiques étaient exigés. Le chauffeur avait eu des soupçons sur les explications données par nos guides. Lorsqu'il s'arrêta dans le village, il semblait presque certain qu'il était allé prévenir les gendarmes.
Après avoir contourné le village, nous nous dirigeâmes vers le Sud, en marchant et courant à vive allure. Il n'y avait pas de lune et nous arrivâmes dans une région vallonnée. Vers minuit, nous tombâmes sur une route et la suivîmes jusqu'à un carrefour. Les guides furent enfin capables de déterminer notre position grâce aux poteaux de signalisation, et nous poursuivîmes notre route.
Juste avant l'aube, nous trouvâmes un bosquet tranquille, dense avec des sous-bois, à quelques pas de la route. Nous étions maintenant dans une zone très certainement surveillée par les Allemands. Il était hors de question de voyager la journée, alors nous nous installâmes dans le taillis.
Lorsque nous sortîmes précipitamment du bus, un homme et une femme, vraisemblablement mari et femme, nous rejoignirent. Ils déclarèrent qu'ils fuyaient les Allemands, alors nous dûmes les garder dans notre groupe. Les guides étaient dubitatifs à propos de leur histoire, mais le risque qu'ils nous dénoncent était trop grand.
La fatigue du voyage de deux nuits et un jour sans sommeil se fit ressentir. La plupart d'entre nous s'endormit sur le sol sans même manger un morceau de pain.
Un des guides descendit au village le matin. Revenant peu de temps après midi, il nous annonça qu'il avait loué un camion pour nous transporter durant la nuit. Nous pourrions ainsi rattraper un peu de temps qui avait été perdu lorsque le trajet en bus avait été interrompu prématurément.
Les chaînes de montagnes s'élevaient au Sud. Quelque part derrière ces montagnes se trouvait la liberté, mais une longue marche difficile s'annonçait. Mes pieds me faisaient mal depuis la marche de la nuit précédente. J'avais remplacé ma paire de bottes d'aviateur anglais rembourrée, chaude et confortable mais qui ne pouvait pas passer pour des chaussures françaises par une paire de souliers noirs à bout pointu qui était d'une taille trop petite. A ce moment-là, je regrettai de ne pas avoir écouté les conseils du commandant de groupe et porté une paire de chaussures solides et confortables. A nouveau je dormis en cet après-midi chaud et ensoleillé.
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