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6. Basse
Indre
Nous dûmes rouler
environ 19 ou 24 km avant d'arriver en ville. Mes amis étaient de bonne
humeur. Ils plaisantèrent et rirent beaucoup durant le trajet(1).
Nous devions traverser un fleuve avant d'entrer en ville. C'était un
samedi soir et un grand nombre de gens traversaient le pont à pied et à
vélo. Les gardes allemands à l'extrémité du pont ne contrôlèrent pas
nos papiers d'identité et ne firent pas attention à nous lorsque nous
passâmes près d'eux.
Nous remontâmes une allée, et nous
garâmes nos vélos dans une arrière-cour et entrâmes dans une maison
moderne mais confortable. J'appris que nous étions chez Jean(2) et
son compagnon était Félix(3). Jean me présenta sa femme, une
Française charmante.
Jean apporta une bouteille de vin et des verres. Nous bûmes et parlâmes
tard dans la nuit malgré mon vocabulaire limité en français. Cette
nuit-là, je dormis dans un lit merveilleusement moelleux pour la
première fois en une semaine.
Jean me réveilla tard le lendemain matin et me dit qu'un autre
invité viendrait dîner. Il m'apporta un rasoir, une brosse à dents
et de l'eau chaude pour un bain.
Je me sentis propre et frais pour la première fois depuis une semaine
lorsque j'entrai dans le salon. L'invité de Jean fut étonné. Je
n'en croyais pas mes yeux, Bill Wetzel(4), mon pilote était assis dans
cette même pièce.
Bill et moi avions beaucoup à raconter sur les événements du dimanche
passé. Grâce à Jean et Félix, qui fournissaient les détails, nous
apprîmes que le reste de notre équipage était tombé dans les mains des
Allemands le premier jour.
Bill avait une longue et fine plaie sur une joue qui
commençait à se cicatriser.
Un Allemand l'avait blessé et éraflé par balle alors qu'il descendait
en parachute. Durant la semaine, il avait failli être capturé alors
qu'une patrouille allemande cherchait la ferme où il avait été caché.(5)
La vie chez Jean devenait routinière. Ecouter
les informations de la BBC était un luxe que nous n'avions espéré. Bill
et moi passions des heures, durant la journée, dans une chambre à
l'étage, en restant calmes. La maisonnée continuait à fonctionner
normalement pour éviter d'éveiller les soupçons. Un petit nombre de
Français étaient apparemment encore ralliés à la cause des Allemands.
Eux et les Allemands représentaient une menace dont il fallait tenir
compte pour planifier chaque action.
Le
soir, Jean, Félix et leurs amis discutaient toujours des espoirs et des
plans pour notre évasion tandis que nous buvions tous. Ils étudiaient
deux plans possibles pour notre évasion. L'un était de prévoir un petit
bateau qui puisse nous prendre dans un endroit isolé de la côte. Ce
plan fut bientôt écarté lorsqu'ils apprirent que les Allemands avaient
récemment renforcé les défenses et patrouilles côtières. L'autre plan
était d'obtenir un avion allié qui puisse voler en dessous des radars,
atterrir dans un champ ou pré fixé à l'avance et nous retourner en
Angleterre. Les Français étaient très optimistes sur ce dernier plan.
Quand ils apprirent quatre ou cinq jours après, qu'il était impossible
d'obtenir un avion, ils furent démoralisés. Il serait maintenant
indispensable de prévoir un long voyage vers le Sud.
A plusieurs reprises, nous fîmes de longues marches le soir. C'était un
soulagement de pouvoir sortir dehors, même si cela comportait des
risques. Un soir, nous rendîmes visite à un docteur. Le docteur examina
mon dos, qui me faisait encore mal la plupart du temps. Il ne pouvait
pas voir les blessures exactes sans une radio, mais son examen
indiquait que je souffrais d'une vertèbre fracturée.
Le docteur avait de nombreuses bouteilles de champagne millésimées que
les Allemands n'avaient pas piquées. Nous portâmes de nombreux toasts à
la défaite des Allemands.
On constata que les allées et venues de personnes chez Jean pourraient
éveiller les soupçons. La
décision fut prise de nous transférer dans deux autres maisons pour
quatre ou cinq jours jusqu'à ce que les plans soient achevés pour notre
voyage(6).
Les plans terminés, nous retournâmes chez Jean pour les derniers
préparatifs. On avait fait des faux papiers d'identité de façon
remarquable. Nous dûmes prendre un train de nuit pour Paris où les
derniers plans pour l'évasion seraient faits. Notre compagnon et guide
serait un jeune français. Nous devions jouer le rôle de sourds et muets
et notre guide ferait le nécessaire pour parler à notre place.
Quitter de tels amis était difficile même si je faisais
l'expérience
exaltante de commencer enfin le voyage de la liberté. Jean m'avait
offert une de ses meilleures pipes après avoir appris que j'aimais
fumer. Avant de partir, sa femme me donna une petite médaille de St
Christophe, en me disant qu'il me protégerait pendant le voyage. Je
n'étais pas familier avec le rôle des différents Saints, mais j'étais
touché par les prières et les soucis que se faisait la femme de Jean à
mon égard.
Je décidai de lui donner mes ailes de navigateur. J'avais toujours mes
pattes d'identification et mon insigne de grade pour prouver mon
identité si j'étais capturé. Une paire d'aile en argent semblait un
tout petit cadeau pour un groupe de personnes qui avait risqué la mort,
sous le nez des Allemand, pour m'aider.
(1) Jean Ligonday, Jean
Nicolas et félix Robic (source lettre de Jean Nicolas) seraient les
français qui accompagnèrent Ralph à vélo jusqu'à Basse-Indre.
(2) Jean
Ligonday à INDRE.
(3) Félix Robic
ou Félix
Guyot, autres résistants. Félix Guyot, fut épicier et maire de
Basse-Indre à la Libération. Le compexe sportif de la ville d'Indre
porte le nom de Stade Félix Guyot
(4) William
Wetzel dit Bill
(5) Ferme de
Villeda à St-Philbert-de-Grand-Lieu
(6) Le
transfert eu lieu le 22 juillet 1943, selon le livre de Don Lasserer
"THEIR DEEDS OF VALOR"
Photo
: de gauche à droite, Jean Nicolas (résistant) - William Wetzel (pilote
du B17) - Jean Ligonday et son épouse - Ralph McKee. (navigateur du
B17) Cette photo fut prise par Félix Robic le 14/07/1943 chez Jean
Ligonday et développée chez un photographe
de Douarnenez (Louis Guillou) (Source lettre de Jean Nicolas)
Lire la
biographie de Jean Ligonday
Lire la
biographie de Jean Nicolas
Lire
l'évasion du pilote W. Wetzel
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