histoire d'une forteresse volante abbattue à Saint-Colomban, près de Nantes, le 4 juillet 1943
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résumé historique
MEMORIAL DE BESSON
1943 - 2004
3,4,5 juillet 2004
revue de presse
HISTOIRE DU B17
N° 42-5053
briefing
crash 4 juillet 1943
à St-Colomban
Un Focke Wulf dans
le lac de grand-lieu
EQUIPAGE DU B17
10 jeunes
Etats-Uniens
fiche technique b17
TEMOIGNAGES
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rapport
TEMOIGNAGES évasion du pilote William Wetzel


Extrait du livre "SOLDATS DE L'OMBRE" 1939 - 1944
de Briac LE DIOURON
Commandant "YACCO"
Imprimerie centrale de l'ouest 56,60, rue Président De Gaulle LA ROCHE SUR YON
Dépôt légal 4ème trimestre 1968

4 juillet 1943 (page 56)

Le pharmacien Jean Ligonday dont l'officine est à Basse Indre vient me voir et m'apprend qu'une forteresse volante américaine vient d'être abattue par les Allemands alors qu'elle bombardait l'aérodrome de Château-Bougon.
Deux aviateurs descendus en parachute et ayant effectué une chute libre sur cinq mille mètres ont été recueillis. L'un est caché à Saint-Colombin, l'autre près de la Montagne.(1)
Je m'apprête à intervenir.

7 juillet 1943 (pages 58, 59, 61, 62)

Il apparait impossible de laisser plus longtemps l'aviateur américain dans sa cachette de Saint-Colombin. Le Général Audibert que j'avais averti de sa présence exprime le désir de l'héberger dans sa propriété de Loiselinière à Gorges. J'ai attiré son attention sur l'imprudence d'une telle décision qui m'apparaît comme inspirée par la témérité; Il serait catastrophique que le chef de la nouvelle Armée Secrète fût déjà arrêté. Mais le vieux soldat ne cède pas: La charge dont il est investi l'oblige dit-il à donner l'exemple.
le pilote William C. WetzelJe me rends donc à Saint-Colombin, au volant de mon gazogène. Je suis accompagné de Ligonday et du boulanger Dupont. Ligonday me dirige vers une ferme. Là nous trouvons un paysan qui nous dit avoir pris soin de l'aviateur(2). Il le nourrit depuis trois jours et lui a remis des vêtements civils. Dans un champ de genêts, voisin de la ferme, nous rencontrons un grand diable décontracté qui ne semble pas très affecté par la situation présente. Il se nomme William Wetzel.
Nous l'embarquons dans le taxi et nous prenons la direction de Gorges. Traversant ce village nous rencontrons des Allemands. William Wetzel, qui, pour la première fois, aperçoit des uniformes vert-de-gris nous tient, en sa langue maternelle, un propos que je traduis ainsi: "ces vaches on les aura".
Le Général Audibert accueille notre aviateur et le cache dans une dépendance de sa maison. Nous convenons, avant de nous quitter, qu'en cas d'alerte il nous téléphonera en ces termes: "Il est temps que vous veniez prendre votre colis, car il va s'avarier". Vraiment nous jouons bien notre rôle de trafiquant de marché noir.

11 juillet 1943 (page 59)

La présence de l'Américain chez Audibert a transpiré. Le général m'a téléphoné: "Le colis s'avarie...". Je préviens Ligonday et sans plus tarder j'ai mis mon taxi en route. Je suis accompagné de Ligonday lequel depuis déjà quelques jours héberge chez lui l'autre aviateur Ralph McKee, recueilli à La Montagne. Dupont est, lui aussi, de l'expédition. Ma femme qui, pour quelques jours est revenue à Nantes a tenu à nous accompagner voulant, autant qu'elle le peut, participer à mes risques. J'ai tout à fait l'air de ce que je suis: un innocent chauffeur de taxi conduisant d'inoffensifs clients. Au retour, l'Américain disparaîtra parmi tout ce monde.
Le Général Audibert nous explique que des indiscrétions ont été commises et qu'il a préféré nous alerter. En toute hypothèse, le séjour de Wetzel à L'Oiselinière devait être assez bref: juste le temps de trouver le moyen de l'acheminer vers l'Angleterre.
Après avoir trinqué nous nous remettons en route pour Nantes. Un instant nous avons hésité. Faut-il franchir la Loire au Pont de Pirmil ou, au contraire, plus loin en aval, par le bac d'Indret à Basse-Indre? Nous optons pour la première solution, ce qui va nous valoir une émotion peu banale.
Nous trouvons, en effet, à l'entrée du pont de Pirmil un barrage formé par trois feldgendarmes et deux gendarmes français. Ils arrêtent les voitures et contrôlent les identités. Nous avons, il est vrai, pris nos précautions en ce qui concerne William Wetzel: nous lui avons remis une fausse carte d'identité sur laquelle figure un état civil parfaitement français; au surplus, il est, une fois pour toutes, convenu qu'il est sourd-muet. Néanmoins nous savons que nos manoeuvres sont mauvaises et risquent d'être déjouées: ce bougre de Wetzel a vraiment une tête d'Américain et, par ailleurs, cet athlète est habillé avec le complet d'un courtaud. Malheuresement nous sommes trop engagés: il faut affronter le barrage.
Je ne sais pas si l'on s'aperçoit que je tremble en voyant s'approcher de mon taxi u feldgendarme suivi d'un gendarme français. Mais dans les grandes circontances les idées viennent avec la rapidité de l'éclair. A mon épouse assise à côté de moi je dis à voix basse: "fais la malade; fais semblant de t'évanouir". Elle s'exécute, et, il faut bien le dire, joue assez bien son rôle. Le feldgendarme est alors parvenu à notre hauteur. Ligonday qui est sur la banquette arrière avec Dupont et Wetzel sort sa carte de pharmacien sur laquelle figure la croix rouge et, la tendant à l'Allemand, désigne ma femme: "urgence, urgence, dit-il...opération". Le gendarme français s'est alors approché et jette sur notre groupe entassé dans la Renault un bref regard. Peut-être a-t-l compris? Je ne le saurai jamais puisque je ne l'ai jamais revu. En tout cas, s'adressant à l'Allemand il répète ce qu'à dit Ligonday: "malade...opération...urgence". Finalement le feldgendarme fait un signe et j'embraye sans plus attendre.
Nous avons eu chaud!
Ralph McKee et Bill WetzelNous traversons une partie de la ville et, obliquant par le quai de la Fosse, je conduis Wetzel dans les dépendances de la pharmacie Ligonday où l'attend son camarade Ralph McKee tombé du ciel en même temps que lui(3).
Il est convenu que Ligonday, au moyen d'une filière qu'il a découverte, va diriger les deux hommes vers l'Angleterre.

15 juillet 1943 (page 62)

Je me rends chaque jour, à une heure déterminée, au café Rubens. Là, je trouve parfois l'un des frères Van Pee qui vient m'apporter des renseignements.
Oe ce jour là, l'un des Van Pee, très soucieux, vient me dire que la filière ne fonctionne plus et que les deux Américains sont toujours chez Ligonday. Van Pee est accompagné de l'un de ses amis, le Dr Dupé, dont le cabinet de consultation est rue du Calvaire. Ce médecin s'est, depuis quelque temps, joint à notre groupe.
Je déclare à Van Pee que je dois me rendre à Paris le 26 juillet et qu'il devra, avant cette date, me dire si Ligonday a pu reconstituer sa filière.
Nous estimons, par ailleurs, qu'ils est impossible de laisser plus longtemps les deux hommes au domicile de Ligonday. Ce dernier décide de les cacher chez You, domicilié rue Harrouys, dans un imlmeuble situé face au conservatoire de musique.

25 juillet 1943 (page 63)

Je revois Van Pée. La filière de Ligonday est toujours pour le moment brisée. Je dois donc prendre toutes dispositions pour faire filer les aviateurs.

26 juillet 1943 (page 63)

Je me rends à Paris par le train du matin avec l'espoir de renter dans la nuit
Je passe chez le droguiste de la rue Vaugirard qui, selon les renseignements que j'au reçu, possède une filière pour l'acheminement des aviateurs.
Je l'informe de la présence à Nantes de nos deux Américains et de notre impossibilité de les diriger sur l'Angleterre.
"Qu'ils soient prêts à partir, me répond-t-il, le 31 juillet au soir. Deux gendarmes viendront les chercher. Ils seront porteurs d'un ordre de transfert et leur mettront les menottes. Un compartiment sera réservé dans le train de nuit et ils descendront à la gare du Mans. De là ils seront conduits vers la filière qui leur permettra de rejoindre les iles Britanniques". Avant de partir je précise au droguiste l'adresse où se trouvent les deux hommes.
Rentré à Nantes, j'avertis Ligonday et You lequel continue de cacher Wetzel et McKee en plein coeur de la ville.
Les choses se sont passées comme prévu. Des gendarmes, vrais ou faux, porteurs de pièces signées et revêtues de cachets se sont présentés le 31 chez You et les deux Américains sont partis et ont pris le train comme deux délinquants de droit commun transportés d'une prison à l'autre. Je n'ai assisté au départ, mais Ligonday m'a tenu au courant.
J'aurai, par la suite, la joie d'apprendre qu'ils sont parvenus sains et saufs de l'autre côté de la Manche.

(1) En réalité les aviateurs étaient cachés, l'un à Saint-Colomban, l'autre à st-Philbert de Grd lieu
(2) Lire le témoignage de Paul Guibert
(3) Lire le témoignage de Ralph McKee

Lire la biographie de Jean Ligonday

Lire la biographie du Général Audibert

[Haut]

SECRET - AMERICAIN
HAUTEMENT SECRET - BRITANIQUE
HQ, ETOUSA
PW and K Detachment
Military Intelligence Service


RAPPORTS N° 88 & 89
EVASION EN FRANCE


William C. WETZELL, 1st Lt, O-683974
366 Bomb Squadron, 305 Bomb Group
AGE : 27 ans
DUREE DU SERVICE : 8/12 ans
DOMICILE : 926 W. Morton street DENISON, Texas

MIA : 4 juillet 1943
Arrivée en Espagne : 10 août 1943
Arrivée à Gibraltar : 4 septembre 1943
Arrivée au Royaume Uni : 8 septembre 1943


4 JUILLET 1943

Nous quittâmes Chelveston à 9h45 le 4 juillet 1943 pour bombarder Nantes. Se dirigeant vers la cible l'escadrille au-dessus de notre groupe se mit en attente en position basse au lieu de haute et nous volâmes en - tout le trajet. Nous rencontrâmes de légers tirs antiaériens mais aucun avion de chasse avant le largage de nos bombes. Dès que nos soutes à bombes furent refermées, quatre FW190 attaquèrent d'en haut à 5 - 7 heures. Nous abattîmes trois des premiers chasseurs mais le quatrième nous arrosa avec des balles de mitrailleuse et des obus de 20 mm. Le support de bombe droit fut coupé d'environ un pied au-dessus de la passerelle. Le poste radio essuya plusieurs coups et l'interphone fut détruit. Le feu se propagea de la soute à bombes jusqu'entre les deux moteurs extérieurs.

La sonnerie d'alarme fut mise en marche bien que Lieutenant McKee déclara qu'elle n'avait pas fonctionné dans le compartiment de navigation. Par l'interphone, on donna l'ordre de sauter et l'avion piqua du nez à plusieurs reprises. Après que le copilote et l'ingénieur aient quitté le cockpit j'essayai mais sans succès de mettre en drapeau le moteur numéro deux qui se détachait. Je grimpai à nouveau vers le poste radio mais sans voir personne, je me dirigeai vers le sas de secours dans le nez et sautai. A 68 mètres de l'avion j'entendis un cri de chasseur, je retardai alors mon saut d'environ 10000 pieds. A 5000 pieds, je remarquai des coups de feu depuis le sol et je reçus un éclat de "----" derrière mon oreille gauche. Plus tard, en cachant mon parachute, je comptai cinq trous de balle dans la toile.

J'atterris dan un champ labouré à environ 16 kilomètres au nord de Nantes. Alors que je cachais mon parachute, deux jeunes français s'approchèrent de moi. Nous cachâmes mon parachute en-dessous d'un tas de broussailles et courûmes environ 3 kilomètres et demi vers une ferme. On me cacha dans une grange sous un tas de paille.

Tôt le lendemain matin, un des garçons me conduisit dans un champ et me laissa dans une parcelle de ronces. Je restai là toute la journée et la nuit, je retournai dormir dans la grange. A midi des Allemands vinrent à la maison, mais après quinze minutes, ils s'en allèrent sans fouiller les champs. Je passai la nuit dans la grange et retournai dans le champ le lendemain matin. Cet après-midi un Docteur vint me voir. J'avais trois morceaux de balle dans ma joue droite.

Mon prochain voyage fut préparé alors que j'étais à la ferme, et le 7 juillet on m'emmena. Avant de partir je m'habillai en civil et en abandonnant mes vêtements d'armée. Ma trousse de survie était inutile parce que le tube de lait s'était ouvert et répandu sur tout le contenu. Je la laissai à ceux qui m'avaient aidé, avec 1000 francs pris de mon porte-monnaie de secours. Après plusieurs jours, je rejoignis le Lieutenant McKee de mon équipage et de là, nous voyageâmes ensemble.