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Ralph McKee, navigateur
sur le b17 N°42-5053
"En 1958, j'ai
fini par écrire cette histoire toujours présente dans ma mémoire."
Traduction
réalisée par Corinne Pouvreau et David Grant
1. Perte d'un moteur
Le 305ème groupe de bombardement
tournait autour du point initial et se dirigeait vers le lieu du
bombardement. C'était le 4 juillet 1943. La cible était un
aérodrome allemand(1) dans la banlieue de Nantes, France.
Le travail du navigateur était terminé pour le moment. Je décrochai la
mitrailleuse calibre 502 (2) qui était montée au-dessus de ma table de
travail et scrutai le ciel bleu. Seule une poignée de Me-1093 (3)
venait pour défier les bombardiers et ils n'étaient pas agressifs ce
jour là.
Dans le nez en plexiglass, le bombardier avait incliné le viseur de
bombardement, centrant la croix sur la cible. Quelques nuages de poudre
provenant d'explosion de la flak (4) étaient devant la formation. Le
pilote avait nettement ajusté son vol. Les trappes de la soute à bombes
étaient à ce moment-là ouvertes. Dans une minute, des tonnes de bombes
allaient pleuvoir sur l'objectif. Le ciel lumineux de l'été allait se
noircir d'un déluge de mort et de destruction.
Il restait quelques secondes avant le largage des bombes. La formation
semblait immobile, attendant patiemment. Soudain la Forteresse
Volante vibra(5), hésita et décrocha petit à petit de la formation.
Une pièce de flak avait dû toucher un turbocompresseur, causant la
perte de puissance d'un des moteurs (6). Là-haut, dans le poste de
pilotage, Bill Wetzel et Chuck Cockrell, le pilote et le copilote,
augmentaient la puissance des moteurs restant en état.
" Bombes larguées ", " trappes de soute en cours de fermeture ". La
formation commença une légère rotation vers l'ouest qui devait nous
ramener au-dessus du Golf de Gascogne et à la base.
Notre forteresse continuait à chuter hors de la formation et perdait de
l'altitude. Un des autres moteurs devait être endommagé. La situation
n'était pas bonne, mais j'avais connu pire et nous nous en étions
sortis. Beaucoup de Forteresses étaient revenues avec difficulté avec
un, voire deux moteurs coupés.
Subitement nous n'étions plus seuls. Les chasseurs allemands
attendaient un retardataire. Maintenant ils venaient pour la mise à mort.
Les traçantes filaient autour de nous. Les obus perforaient le
revêtement de la Forteresse. Celle-ci vibrait du recul créé par les
mitrailleurs combattant sauvagement. Les chasseurs attaquaient encore
et encore. Un des mitrailleurs cria avec jubilation " j'en ai eu
un. Il est en feu "(7). Mais les chasseurs avaient tué la
Forteresse. Un des moteurs brûlait violemment et il y avait un incendie
à proximité de la soute à bombe.
Le pilote sonna le signal d'évacuation sur le système
d'alarme d'urgence. Je ne pesai pas, sa décision. La forteresse ne
pouvait pas tenir entière plus de quelques minutes. Je vérifiai à
nouveau le sac à parachute ventral. C'est à ce moment-là que je notai
pour la première fois des coupures sur une de mes mains, causées par
l'explosion d'un obus ennemi. Juste au-delà de l'aile gauche, un des
chasseurs victorieux volait avec son train d'atterrissage en position
basse, surveillant sa proie. Défaisant le masque à oxygène, je
reculai vers la trappe d'évacuation. La trappe était déjà éjectée. Avec
ma main droite sur la corde d'ouverture, je dégringolai dehors.
(1) Aérodrome de Château-Bougon. Aujourd'hui
aéroport de Nantes Atlantique à Bouguenais.
(2) 50/100 de
pouce soit 12.7 mm
(3) En réalité,
des chasseurs Allemands Focke-Wulf 190.
(4) Flak en
allemand (Flieger Abwehr Kanone) ou DCA en français (Défense Contre
Avion) ou AAA en anglais (Anti Aircraft Artillery)
(5) Bombardier
quadrimoteur Boeing B17 "Flying Fortress"
(6) Moteur en
étoile Wright "Cyclone" R1820-97 développant 1200 chevaux avec un
turbocompresseur par moteur
(7) On peut
supposer que le mitrailleur venait de toucher le chasseur allemand
tombé dans le lac de Grand-lieu - voir page "Un
Focke Wulf dans le lac de Grand Lieu" ou le Focke Wulf tombé le même jour sur la propriété de La Marionnière juste à côté de La Moricière, à Pont-St-Martin. (Source livre "Quand la terre se souvient" SRE-EDITIONS 2014, écrit par Jérôme BÂTARD et Camille FRANCOIS)
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