|
10. En prison
Les guides apprirent que nous étions alors bien en Espagne à ce moment là. Nous avions réussi ! Nous étions libres ! Nous devions continuer jusqu'au village le plus proche et demander à un fonctionnaire de prendre contact pour nous avec le consulat le plus proche.
Nous étions d'une humeur joyeuse et insouciante en descendant les contreforts.
Tard dans la matinée, nous marchions sur une bonne route bien qu'étroite. Tout à coup, deux Espagnols en uniforme, portant des fusils surgirent de derrière les buissons. Ils étaient membres de la Garde Civile. Les gardes demandèrent nos papiers. Comme nous n'en avions pas, ils nous escortèrent jusqu'au village suivant.
Là-bas, on s'occuperait de nos papiers. Avec un garde en tête et un en queue, notre petit groupe avançait vers le village. Là-bas, on nous plaça dans une grande cellule et on referma les portes à clé jusqu'à ce qu'on fasse venir un responsable.
Il ne semblait y avoir aucune personne d'autorité dans le village. Nous n'avions pas la permission de téléphoner au consulat. Nous nous assîmes sur les bancs durs ou dormîmes sur un sol en pierre le reste de la journée et la nuit.
L'homme et la femme qui nous avaient rejoints lorsque nous avions sauté du bus en France, s'isolèrent dans un coin de la cellule. Nous nous interrogions sur leur identité exacte. Un de nos guides était maintenant convaincu qu'ils étaient des espions envoyés par les Allemands pour découvrir les itinéraires clandestins. Je n'eus jamais la réponse à cette énigme.
Pendant la nuit, je fis l'expérience de l'inconfort des crampes d'estomac et de la dysenterie. J'avais apparemment attrapé les bactéries de la dysenterie en buvant l'eau des cascades.
Le lendemain, on nous conduisit hors de la cellule et nous chargea dans un vieux bus. Deux gardes nous accompagnèrent. On apprit que le bus nous emmenait à Pampelune.
Après un trajet chaud et poussiéreux, le bus s'arrêta devant un complexe de bâtiments entouré par un mur élevé. C'était la première semaine d'août. Pampelune semblait être une ville nonchalante et décontractée sous le soleil chaud de midi. Les gardes nous conduisirent à l'intérieur du camp. C'était le bâtiment le plus moderne et le plus imposant qu'il m'avait été donné de voir en Espagne. C'était une prison moderne et sûre.
Nous fûmes conduits dans une pièce où des représentants de la prison terminèrent les formalités d'enregistrement et de recherche sur nous. Les représentants ne semblaient pas impressionnés par le fait que je sois citoyen américain. Les trois autres Américains étaient assignés dans la même cellule que moi. Elle mesurait moins de 4 par 6 mètres. Il y avait une petite fenêtre avec des barreaux et une porte en barres de fer. Le mobilier comprenait quatre matelas de paille rêche, une cuvette et des toilettes sans chasse d'eau dans un coin.
Le coin des toilettes me devint très familier. Ma dysenterie s'aggravait de jour en jour. Il n'y avait pas de papier toilette et j'eus recours à des morceaux de tissus de ma chemise à la place. Quand enfin je sortis de prison, il ne restait pas grand chose de ma chemise.
Le lendemain matin, nous fûmes escortés chez le coiffeur de la prison. Là-bas, nos têtes furent tondues et des détenus coiffeurs nous rasèrent. Je commençais à penser que mon séjour là serait plus long que quelques jours.
Plus tard, nous fûmes convoqués devant le commandant de la prison et son personnel. Ils nous interrogèrent davantage à propos de nos unités et pourquoi nous étions venus en Espagne. Nous refusâmes de répondre aux questions et donnâmes seulement notre nom, grade et numéro de matricule. Nous demandâmes au commandant de signaler aux autorités américaines ou britanniques que nous étions dans sa prison.
Lorsque je fus fouillé, en entrant dans la prison, on me prit une lame de scie à métaux qui était moulée dans un morceau de caoutchouc noir. Le commandant voulut savoir ce que c'était. Je lui répondis que je n'en avais aucune idée. Il se posait toujours des questions sur cet objet lorsque je quittai son bureau.
La plupart des cellules dans la prison étaient remplies. La majorité des détenus étaient espagnols et leur seul crime avait été d'être du côté perdant, à la fin de la Guerre Civile Espagnole. Les détenus nous servaient la nourriture à la louche au pied des cellules, de porte en porte. Un garde ouvrait la porte et on nous donnait nos bols et nos cuillères en bois.
La nourriture était toujours la même : une soupe d'orge fade avec de l'huile d'olive qui flottait à la surface et un morceau de pain. Quelquefois la soupe contenait des pommes de terre, mais jamais je ne trouvai un morceau de viande dedans.
Une demi-heure dans la cour, chaque jour, était la seule routine de la prison. Nous attendions ce moment avec impatience pour pouvoir faire un peu d'exercice au soleil et parler à nos amis français. Une fois par semaine, les prisonniers étaient autorisés à se baigner sous une douche rudimentaire d'eau froide. Chaque prisonnier pouvait également se faire raser et couper les cheveux une fois par semaine.
Un jour, un représentant de la croix rouge vint pour interroger de nouveaux prisonniers. Il voulut savoir beaucoup de choses sur nous, mais à nouveau, nous donnâmes seulement notre nom, grade et numéro de matricule. Nous lui demandâmes de contacter les autorités des Etats-Unis pour nous.
Les journées et les nuits dans la cellule devinrent plus monotones. Il n'y avait ni lecture ni de jeu de cartes. Il n'y avait rien à faire que parler ou regarder les murs. Parfois je regardais par les barreaux de la fenêtre en essayant de penser à la façon de m'évader. Mais s'évader d'une institution bien conçue semblait être sans espoir. Le tabac et les cigarettes étaient rares, et le grand plaisir de fumer plusieurs fois par jour devint un rituel. En conservant les mégots de cigarette, je pouvais accumuler assez de ce tabac peu fameux pour remplir ma pipe tous les deux ou trois jours.
Nous étions en prison depuis environ une semaine lorsque vint un représentant américain. Il interrogea chacun de nous et enregistra des détails de notre conversation. Il dit que des dispositions seraient prises pour notre libération et que, pour cela, trois ou quatre jours étaient nécessaires. Avant de partir, il nous donna des cigarettes américaines et nous conseilla de ne pas essayer de nous évader de la prison.
[Haut] [Suite]
|
|